La logistique a connu une première phase de croissance à partir des années 1990-1995, suite à la libéralisation des marchés et au phénomène de globalisation des affaires qui en a découlé.
La possibilité d’acheter et de vendre loin pour les entreprises, la division internationale du travail qui s’est approfondie au point de voir les produits finis mais aussi et surtout les composants voyager de plus en plus , finalement la déconnexion grandissante entre lieux de production et lieux de consommation ont fait de la logistique une fonction centrale : une fonction centrale pour organiser et rationaliser ces flux de plus en plus complexes au sein des entreprises dans des activités de production (logistique interne) et entre les usines et le client final dans des activités de distribution (logistique externe).
Cette phase de croissance de la logistique s’est traduite par une contribution croissante au PIB et à l’emploi, se situant autour de 8 à 10% en moyenne dans un grand nombre de pays occidentaux.
La seconde jeunesse de l’activité logistique s’enclenche sous nos yeux en ce moment et ceci du fait de l’apparition simultanée de deux grands phénomènes: l’intégration par l’activité logistique de technologies nouvelles et la montée en puissance du e-commerce.
De nouvelles technologies pénètrent en effet la logistique à grands pas. De façon synthétique, ces technologies majeures sont la robotisation et l’automatisation croissante des tâches (convoyage, picking, chargement devenant peu à peu automatisés…), la digitalisation croissante (capteurs et identification automatique à tous les endroits, technologies mobiles et embarquées …), le big data (une informatique et un stockage de données dématérialisés via le cloud …) ou encore la montée des algorithmes automatisant les analyses et produisant en automatique des aides à la décision ( pilotage des stocks, optimisation des tournées en temps réel par exemple). Ces nouvelles technologies modifient profondément les métiers, les qualifications nécessaires ainsi que les besoins en main d’œuvre au sein de l’activité logistique.
Le deuxième grand phénomène historique observé est la montée irrésistible du e-commerce traduisant une transformation profonde de nos économies, laquelle va impacter de façon significative l’activité logistique. Le e-commerce permet à chaque individu d’acheter désormais directement en court-circuitant le magasin. Ce phénomène traduit une transformation profonde, en fait, le passage d’une société de consommation (dominée par les magasins comme réceptacle final des marchandises) à une société de personnes (où désormais le domicile et/ou la boite à lettre de chaque citoyen deviennent les réceptacles des marchandises). Cette nouvelle forme de commerce provoque une refonte complète des chaines logistiques entre l’usine et le client final et produit notamment une prolifération des livraisons aux particuliers. La livraison à domicile, la logistique du dernier kilomètre ou encore la logistique urbaine plus largement deviennent alors des problématiques nouvelles à résoudre, d’une extrême complexité du fait des contraintes multiples à intégrer (côté clients, côté réglementation, côté coût de revient…) et des exigences légitimes à prendre en compte, notamment le respect de l’environnement.
Cette nouvelle période de l’activité logistique impose alors plusieurs priorités : la première priorité est de tirer le meilleur parti de ces transformations technologiques en maitrisant la transformation des métiers qui en découle et en permettant l’accès aux qualifications et compétences attendues : la formation est le meilleur outil pour ces transformations et elle doit devenir une préoccupation majeure - la deuxième priorité est de faire de la logistique un véritable aiguillon, un moyen d’accélérer les transformations dans les entreprises industrielles. La logistique pour absorber toutes ses contraintes s’oriente plus que jamais vers des logiques collaboratives, où les comportements en termes de coopération et de mutualisation de moyens deviennent centraux – la troisième priorité est de travailler à la mise en place d’une coordination des professions de la logistique, de bâtir une véritable filière, avec le souci d’un langage commun , d’outils partagés pour mieux connaitre les bonnes pratiques et les performances et favoriser les coopérations.
En résumé, la logistique est et sera sollicitée plus que jamais pour apporter des solutions et de l’efficacité à nos économies. Si la profession s’organise, si la formation prend activement en charge la nécessaire transformation des métiers et des qualifications et si l’émulation et la connaissance des bonnes pratiques deviennent centrales alors ce qui pouvait apparaitre comme des menaces, se transformera en une mine d’opportunités garantissant la croissance et l’emploi. La deuxième jeunesse de la logistique sera bien assurée !
Serge Vendemini
Professeur à l’Université de Paris Panthéon Assas (Paris II)
Directeur du Master Management des Projets Logistiques (Paris, CSL Luxembourg)