Conférence CSL - Hôtel Parc-Belair - Luxembourg
THÈME DE LA CONFÉRENCE
ROBOTISATION ET GÉNÉRALISATION DES ALGORITHMES DE DEMAIN :
QUELLES MENACES POUR LES EMPLOIS DE DEMAIN ?
Les robots font désormais une entrée significative dans l’univers de la logistique.
La robotisation ou encore l’utilisation d’automates capables de manipuler des objets, d’exécuter des opérations selon un programme fixe, modifiable ou adaptable est perceptible à plusieurs endroits :
• des véhicules automatiques pour déplacer des produits, mettre en stock, assurer le picking, charger ou décharger des véhicules,
• des bras robotisés pour trier les colis et confectionner des palettes,
• des systèmes « goods to man » qui apportent directement les marchandises à l’opérateur sans qu’il ait besoin de quitter son poste,
• des robots de surveillance ou encore les drones.
Voilà un florilège de solutions robotisées qui gagnent l’univers des entreprises.
Des questions liées à l’emploi et aux besoins en matière de formation et de savoir-faire nécessitent des réponses pour à la fois dresser un constat et proposer des solutions possibles en adéquation avec les besoins sociétales en termes de gains en qualité de vie et en soutenabilité.
Serge Vendemini professeur à l’Université de Paris Panthéon Assas, conférencier, a traité du sujet en trois parties : la première partie a été consacrée à un cadrage macroéconomique du sujet, la deuxième partie a porté sur une approche sectorielle (en l’occurrence la logistique à la fois très concernée par le sujet et activité en plein développement au Luxembourg), la troisième partie ( en guise de conclusion) a proposé des modalités concrètes pour sortir par le haut de cette situation ou encore imaginer comment transformer ces menaces en opportunités pour le Luxembourg.
Le cadrage macro-économique du sujet a permis de rappeler les principaux travaux depuis 2013, d’en formuler les fondements méthodologiques, de s’interroger sur le réalisme des résultats obtenus et aussi de présenter les travaux de deuxième génération, depuis 2016, bien plus réalistes et concrets.
Le travail inaugural date de 2013, il a été produit par deux chercheurs d’Oxford (Osborne et Frey). La méthode consiste à passer au crible 700 métiers (aux Etats-Unis) selon deux critères : -côté routinier ou non du métier- existence ou non d’une technologie (robots ou algorithmes) de substitution.
Dès lors que les deux critères s’appliquent à un métier, alors celui-ci est condamné à disparaitre, selon les auteurs .Le nombre des emplois concernés se situe à hauteur de 47% et porte principalement sur les métiers d’agents d’entretien, de vendeurs basiques, de secrétaires, ou encore d’agents de production , de manutention. Les travaux du cabinet Roland Berger en France en 2014 ou de la banque ING au Luxembourg en 2015, reprenant implicitement la même méthodologie aboutissent à des résultats similaires ; ce sont 41,7% des emplois menacés en France selon R Berger et ce sont 52% des emplois menacés au Luxembourg selon ING. Ces approches souffrent certainement de trois faiblesses : une vision abstraite ou simplifiée des métiers, une sous-estimation du coût d’accès et de mise en oeuvre des technologies nouvelles (même si la technologie existe rien ne dit que l’entreprise a la volonté et surtout les ressources pour s’y lancer), et une non prise en compte du processus concret par lequel les métiers se transforment.
Les travaux de deuxième génération datant de 2016 et début 2017 ont alors été présentés.
Les travaux de l’OCDE de 2016, produits par l’équipe Mélanie Arntz (et alii) contestent la notion de métier ou d’emploi jugée trop homogène dans les travaux précédents et retiennent la notion de tâches. Un emploi dans un métier donné est considéré comme une somme de tâches (tâches techniques, tâches relationnelles, tâches faisant appel à l’imagination, à des degrés de liberté de mise en oeuvre…). Dès lors, il s’agit plutôt d’examiner comment les robots et algorithmes retentissent au niveau des tâches et non plus au niveau d’un emploi abstrait. Selon ces auteurs, un emploi sera menacé si 70% des tâches au moins sont modifiés par l’effet robots et/ou algorithmes. Les travaux de l’OCDE évaluent alors à hauteur de 10 à 12% les emplois menacés et/ou à transformer profondément, et non à près de 50% comme les travaux précédents l’imaginaient.
Les travaux du COR en France (Conseil d’orientation pour l’emploi) parus en ce début 2017 reprennent la même méthodologie et situent aussi l’impact robots et algorithmes autour de 10% des emplois : les emplois les plus impactés sont les agents d’entretien, les ouvriers des industries de process, les agents non qualifiés de la manutention ou encore secrétaires basiques. Il s’agit en fait d’emplois quasi mono-tâche, substituables par les robots ou les algorithmes.
La deuxième partie de la conférence a été consacrée à la manière dont les robots et algorithmes retentissement dans un secteur particulier (en l’occurrence le secteur de la logistique et des transports, secteur concerné et aussi désormais secteur privilégié dans le développement du Luxembourg)
Il existe évidemment un degré de maturité très différent dans les nouvelles technologies et certaines (drones, imprimantes 3D, véhicules autonomes..) sont encore loin de pouvoir impacter concrètement le secteur.
Les principales catégories de robots existants (des véhicules automatiques (Automatic Guided Vehicle) pour déplacer des produits, mettre en stock, assurer le picking, charger ou décharger des véhicules, - des bras robotisés pour trier les colis et confectionner des palettes -des systèmes « goods to man » qui apportent directement les marchandises à l’opérateur sans qu’il ait besoin de quitter son poste - des robots de surveillance etc …) ont été présentés rapidement ainsi que les principaux logiciels et algorithmes qui dominent dans le secteur (ERP, WMS, TMS, et divers outils d’optimisation). Si le taux d’équipement en robots est aujourd’hui encore assez faible (aux environs de 25/30%), le taux d’équipement en outils élaborés de gestion (type ERP) se situe entre 50 et 70%, quant aux outils d’optimisation dernière génération le taux d’équipement est aussi encore faible. Toutefois, les dernières évolutions de robots (plus flexibles, plus paramétrables) et aussi la baisse significative de
leur prix (permettant des retours sur investissement souvent inférieurs à 3 ans) laissent penser à une accélération dans leur implantation en entrepôt.
Dès lors, la catégorie d’emplois concernée (celle des emplois quasi mono-tâches) est la catégorie des manutentionnaires –caristes, conducteurs de chariots, peu qualifiés. Ces emplois sont estimés aujourd’hui au total à environ 3000 au Luxembourg. Sachant que l’introduction des robots impactant ces emplois, va être progressive, qu’elle prendra plusieurs années, le flux d’emplois à reconvertir par an sera au maximum de quelques centaines. Il n’y a donc pas péril en la demeure !
La troisième partie a été consacrée à l’exploration de quelques pistes pour traiter positivement les effets de l’introduction de ces nouvelles technologies et imaginer finalement une sortie par le haut de ces menaces.
Quatre idées ont été émises :
- La première est une invitation à la dédramatisation du sujet : parce que les robots et algorithmes sont introduits progressivement, parce que les entreprises n’ont pas toujours les ressources pour financer ces investissements, parce les entreprises observent et se donnent souvent le temps de mesurer les gains potentiels d’un tel investissement, alors il y a possibilité d’anticiper et de s’organiser pour gérer au mieux les effets sur l’emploi et les qualifications.
- La deuxième idée est précisément la manière dont pourrait être imaginé le
traitement des effets sur l’emploi et les qualifications. Il serait précieux de créer une instance de coordination Entreprises de la logistique et des transports et structures de formation se dotant d’un outil d’observation en continu (« Un observatoire de la modernisation, des emplois et des qualifications ») permettant de faire un reporting en temps réel des besoins de reconversion, d’apporter les solutions formation immédiates aux salariés et ainsi éviter tout passage traumatisant par un éventuel chômage. Ce corridor entre les entreprises et la formation serait bénéfique pour toutes les parties concernées : entreprises, salariés et organismes de formation.
- La troisième idée émise est de vivre positivement cette modernisation du secteur pour gagner en productivité et aussi de fait en attractivité. Un secteur de la logistique et des transports au Luxembourg à la pointe des innovations a toutes les chances de gagner en parts de marchés mais aussi en attractivité (de nouveaux investisseurs s’implanteront au Luxembourg). Dès lors l’effet croissance et l’effet éventail (plus d’acteurs présents) vont contribuer à augmenter les besoins en main d’oeuvre et ainsi contribuer à absorber encore plus naturellement les effets de la modernisation.
- La quatrième idée est un peu plus disruptive. Puisque les robots seront un point de passage obligé de la modernisation, pourquoi pas imaginer au Luxembourg un réel éco-système autour du robot (attirer les fabricants de robots à s’implanter au Luxembourg, à y mettre leur logistique, leurs services dépannage, pièces détachées…). Le fabricant japonais Fanuc en s’implantant au Luxembourg et en voulant faire du Luxembourg son hub européen de distribution de robots est un exemple concret de ce que le Luxembourg peut imaginer.
- Et si le Luxembourg après s’être interrogé sur les effets du robot dans la logistique décidait de devenir le champion de la logistique du robot ?